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Re-création médiévale
Nous aurions bien aimé trouver, dans un musée ou ailleurs (un grenier ?!), une aussi belle représentation de la tour du temps de sa splendeur, avant même que la Renaissance ne gagnât la France. Auraient pu y figurer les maîtres des lieux, tout petits, agenouillés aux pieds de leurs saints patrons (très grands), la tour s'inscrivant dans le paysage ; le tout aurait pu trouver asile, pourquoi pas, dans l'église de Charmoy...
Hélas, rien de tel - mais une très belle surprise, une toute autre aventure, venue combler avec bonheur ce manque criant d’œuvres d'époque !
L'été 2010, le "Club dessin et peinture de Perrecy-les-Forges" a exposé dans la Tour du Bost. Mais il a aussi amené dans ses bagages un cadeau très spécial, qui a demandé des heures de travail aux différentes personnes qui s'y sont attelées : un diptyque réalisé à la façon du Moyen-Âge, représentant la tour et ses environs !L'idée de faire un travail commun était dans l'air, au Club de Perrecy, et ne demandait qu'un projet pour se concrétiser. Est-ce la perspective de l'exposition estivale à la tour qui a servi de détonateur ? Toujours est-il qu'une dizaine de personnes s'est rapidement mise à l'ouvrage, avec les conseils avisés de Ian Marek, membre du club. Au niveau technique, le premier défi était de trouver le support qui résisterait aux conditions particulières de la tour (notamment son degré d'hygrométrie). Réaliser une fresque fut rapidement abandonné (impossible dans ce monument historique), utiliser du papier ou un drap enduit, tendu sur un cadre, également (trop fragile et/ou trop complexe à stocker). Finalement, c'est sur du bois préparé spécialement que toute l'équipe a joué du pinceau. Les deux panneaux, articulés, présentent en plus un avantage pratique : ils peuvent aisément être transportés en voiture... On peut se passionner pour le Moyen-Age tout en tenant compte des contraintes d'aujourd'hui !
Concentré d'éléments médiévaux
Pendant les heures de "cours" du club, entre janvier et mai 2010, ce sont donc une vingtaine de mains qui se sont activées sur le tableau, mélangeant activement les couleurs primaires (et elles seulement !) pour obtenir toutes les teintes de la scène représentée. Difficile d'estimer le temps consacré au diptyque, sachant que trois personnes au maximum pouvaient y œuvrer en même temps (une ou deux le plus souvent)... Les membres du club se sont inspirés de plusieurs peintures du Moyen-Âge, comme "La Vierge au Chancelier Rollin", de Van Eyck, et d'une fresque italienne ("La Chambre des Époux" du Palais ducal de Mantoue). Ils ont aussi fait diverses recherches pour trouver les "bonnes" harmonies de couleurs.
"La plus grande difficulté", explique Ian Marek, "a été d'insérer tous les éléments dans une perspective qui devait être cavalière, comme celle qui était connue au Moyen-Âge : une perspective "fausse" (par rapport à celle de la Renaissance où on trace des points de fuite). Comme nous ne sommes plus habitués à travailler avec ce genre de perspective, le croquis de base a été difficile à concevoir. De plus, nous avons essayé de reproduire le style de peinture du Moyen-Âge, très en aplats, avec une façon très particulière de donner l'ombre et la lumière. Là encore, ce n'est pas le type de modelé qu'on trouve dans les peintures de la Renaissance."
Œuvre commune mais sans cacophonie
L'utilisation de la peinture à l'huile n'a pas été simple non plus, certains des peintres du diptyque ne l'ayant jamais abordée auparavant ! Mais soutenue et stimulée par ceux qui étaient familiers de cette technique, toute l'équipe s'est lancée. Pour éviter que l'on voie trop la "pâte" (et non la patte !) des uns et des autres, le travail a été partagé : une seule personne s'est chargée de tout ce qui était végétal, une autre des personnages, une autre encore du ciel... "Comme toute peinture qui vient d'être réalisée", précise Ian Marek, "celle-ci avait un aspect très neuf et nous avons donc appliqué un glacis (couleur transparente diluée à l'huile) sur l'ensemble dans le but de vieillir un peu les couleurs et de les unifier. Cela a permis aussi d'accorder les différentes façons de travailler de chaque peintre, puisqu'il s'agissait d'un travail de groupe. En général, le plus gros défaut qui peut apparaître dans une peinture réalisée en commun est le manque d'unité, surtout quand c'est occasionnel, ce qui est le cas ici."De cette œuvre commune, le Club de Perrecy ressort (si c'est possible) plus soudé encore qu'il n'était auparavant. Même les personnes qui n'y ont pas participé disent s'être senties malgré tout impliquées dans le projet durant sa réalisation... De leur côté, les novices de la peinture à l'huile se sentent aujourd'hui titillées par l'envie de s'y lancer en solo ! "Nous nous sommes senties en sécurité pour aborder de nouvelles techniques, en étant soutenues par le groupe", explique l'une d'elles. "Nous avons appris en outre quelques petites techniques utilisées par les spécialistes de la peinture à l'huile, comme le glacis. En tant que peintre amateur, on ne fait pas non plus toujours attention aux ombres ou aux volumes : on les oublie et ensuite, on se demande pourquoi "ça ne marche pas". C'était intéressant aussi de peindre autrement que de façon réaliste ou en copiant des peintres du XIXe siècle, de se pencher sur les codes qui sous-tendent une œuvre de commande médiévale."
Vous connaissez maintenant les conditions de la naissance et de la réalisation du diptyque, qui en font une œuvre très spéciale. L'été prochain, vous pourrez certainement de nouveau l'admirer, trônant dans la salle d'exposition de la Tour du Bost !
Des photos des expositions accueillies à la tour ?
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Tags : peinture, club, Perrecy-les-Forges, Tour du Bost, Charmoy, Saone-et-Loire, Bourgogne, monument historique, histoire, patrimoine, moyen-age
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