• Château de Montcenis : une histoire vivifiée

    Tous ceux qui s'intéressent à la Tour du Bost et au-delà, à l'histoire de la Bourgogne, devraient se plonger (si ce n'est pas encore fait !) dans l'ouvrage passionnant de Louis Lagrost : Du château ducal de Montcenis à la "seigneurie" du Creusot (XIIe – XVIIIe siècles). Un "pavé" de près de 400 pages, qui se lit comme un roman, dans la mare des idées reçues et des fausses vérités qui embuent l'histoire locale...

    Château de Montcenis : une histoire vivifiée

    Hervé Mouillebouche,
    Maître de conférence en histoire médiévale à l'Université de Bourgogne,
    souligne dans sa préface "la démarche exemplaire" suivie par M. Lagrost
    dans cet ouvrage, "référence indispensable".

    M. Lagrost n'est pas homme à avancer des éléments sans preuve ni caution scientifique. Ni à se laisser rebuter par des recherches longues et fastidieuses, menées avec une rigueur sourcilleuse : plus de dix ans ! En 1998, ce préhistorien souhaite organiser une exposition sur Le Breuil et son histoire. Une médiéviste, répondant à sa demande de documents portant sur l'histoire locale, lui fait alors parvenir de nombreuses pages manuscrites tirées des Archives départementales, "incompatibles avec ce que la plupart des auteurs proposaient jusqu'alors"... Partant de ces erreurs et de ces "trous" flagrants, n'écoutant que sa curiosité et sa passion pour l'histoire, M. Lagrost est parti écumer les archives, les lisant consciencieusement. "Il ne me fallait douter de rien, me plonger dans l'histoire et l'architecture médiévale, trouver les documents en archives, pire les lire", explique-t-il avec humour dans ses "remerciements". C'est sur ces documents qu'il s'appuie, en les citant, ainsi que sur des relevés de terrain, pour retracer l'histoire du château ducal - une histoire heureusement très documentée puisqu'il s'agissait d'une place-forte appartenant aux Ducs de Bourgogne.
     

    La quête de la vérité

     
    Quel est le but de votre ouvrage ?
     
    J'ai voulu réintégrer l'histoire de Montcenis dans le contexte de la Bourgogne ducale : la replacer dans le contexte historique, la recontextualiser, dire ce dont on est sûr. J'essaye de remettre les pendules à l'heure. Par exemple, on retrouve tous les anciens quartiers du Creusot dès le Moyen-Âge : ce ne sont pas des créations à partir de rien. Quelque part, je suis toujours en quête de vérité... On ne peut pas aller contre un acte notarié ou un décret ducal : ce sont des constats, des terriers, c'est la source-même. Ensuite, tout dépend de l'interprétation qu'on en fait. J'aime mettre des "toutefois", des "cependant", des conditionnels ; il faut prendre des précautions dans ce qu'on avance et préciser quand on n'est pas sûr de ce qu'on dit.
     
    N'avez-vous jamais ressenti de lassitude, de fatigue, devant l'ampleur de cette tache ?
     
    Ce genre de recherches, c'est une espèce de pelote de laine, d'écheveau que vous défaites; de temps en temps, quand c'est un peu mêlé, vous défaites les nœuds... Je n'ai pas ressenti d'usure. J'ai fait des coupures bien sûr, la vie continue... Mais c'est une quête sans fin. Alors que le livre est terminé, des tas de choses me titillent encore. Ne serait-ce que l'histoire des écorcheurs dans la région : cela intéresse directement la Tour du Bost, ça. On en a dit plein de choses, mais tout est inventé. Le Duc de Bourgogne, vers 1435, avait demandé aux notaires d'enregistrer les plaintes des gens concernant les dégâts qui avaient été commis chez eux. On a la chance d'avoir des documents concernant tout le Charolais et tout l'Autunois, conservés aux Archives à Dijon. On s'aperçoit que là où les écorcheurs sont passés, ça a fait du mal, mais ils ne sont probablement pas passés à la Tour du Bost : il n'y a aucune mention la concernant dans les plaintes, alors que le châtelain de Montcenis se plaint à deux reprises. Dans tous les environs de Montcenis, on ne trouve aucune exaction. Par contre, plus tard, on trouve mention des dégâts causés par les passages de troupes, sous Louis XIV, Louis XV. Il n'y aurait donc aucune raison pour qu'une attaque portée à la Tour du Bost n'ait pas été mentionnée.
     
    Autre chose m'intriguait : Courtépée disait que le château avait été détruit sous Henri IV. Or, en 1610, au moment des guerres de religion, les gens se sont réfugiés dans l'enceinte du château, y ont construit des maisons contre le mur de la basse cour... Ce qui voudrait dire que le château n'avait pas été démoli. Mais en fait, on joue sur les mots, les termes, les définitions du Moyen-Âge : dans le château, on parle du donjon, mais ce qu'ils appellent le donjon dans ce cas très précis, c'est le château lui-même, c'est-à-dire l'ensemble du bâtiment avec sa tour carrée et ses trois tours rondes ! La date de destruction du château de Montcenis, je l'ai retrouvée par la suite, une fois le livre terminé. La basse-cour, elle, a subsisté jusqu'au début du XVIIIe siècle, à peu près.
     


    Les humbles et les oubliés

     
    Citons pour finir in extenso un paragraphe extrait des "remerciements" de l'ouvrage, où l'on retrouve toute l'honnêteté intellectuelle de M. Lagrost :
     
    "C'est peut-être inhabituel, mais je saurai toujours gré aux chercheurs, aux étudiants, à tous ceux qui pourront compléter ou discuter cet ouvrage, au besoin en le critiquant, mais dans tous les cas sans polémique, en s'appuyant uniquement sur des faits avérés par l'archéologie ou sur des documents d'archives qui m'auraient échappé : c'est ainsi que la connaissance progresse."
     
    Désormais, il nous est difficile de passer par Montcenis sans apercevoir, sur ses hauteurs, le "fantôme" de l'édifice que M. Lagrost fait revivre avec tant de détails. Il a su, à partir de documents (avouons-le) plutôt arides, faire ressurgir de l'histoire, à côté des noms des Grands de Bourgogne, ceux des humbles et des oubliés : des paysans, comme Hugenin des Prés, Jehan la Brune et Guiot Morin, des artisans comme Philibert de Boyvin, Pierre Broichot ou Jehan Bretin - et même une malheureuse brûlée comme sorcière...
     
    Pour vous procurer cet ouvrage indispensable, vous pouvez aller sur le site du CeCaB.

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