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René Aubry : la vie rêvée des vieux outils
René Aubry, qui expose en compagnie de son épouse (dans deux registres complètement différents, l'un le métal, l'autre le tissu), nous vient de loin : Bormes-les-Mimosas, dans le Var ! Pourtant, son histoire personnelle est profondément liée au site de la Tour du Bost. Au milieu de ses œuvres, son diplôme de forgeron, obtenu au Creusot, attire l’œil - et la curiosité.
Vous êtes Creusotin ?
Oui. Je suis né rue Albert 1er, juste au-dessus du Pilon. La maison n'existe plus aujourd'hui. On a ensuite déménagé à la Mouillelongue, où j'ai passé toute ma jeunesse, jusqu'à mes 19 ans. Tout était Schneider, à l'époque. J'ai été à l'école Schneider... J'ai été l'un des derniers forgerons diplômés au Creusot. J'ai joué à la JO, au foot, de Minime jusqu'à Junior, jusqu'à ce que je parte faire mon service militaire, dans la Marine. À l'époque, c'était la guerre d'Algérie, et en étant dans la Marine, on avait une chance de rester en France... C'est par le football que je suis resté ensuite dans le Midi : pendant mon service, je jouais au foot, au Lavandou. Quand j'ai été démobilisé, le président du club du Lavandou m'a fait rester. Mon frère était là aussi. On a été champion la première année...Et la première fois que vous avez vu la Tour du Bost, c'était quand ?
J'avais cinq ans. C'était en 1943, en pleine guerre. Nous habitions la Mouillelongue et les Alliés bombardaient pratiquement toutes les nuits, il y avait souvent des bombes qui tombaient à côté des cibles... Les DCA étaient juste au-dessus de chez nous, là où il y a aujourd'hui la mairie de Torcy : c'était un bois d'acacias. À 2 ou 3 heures du matin, on était réveillé par la sirène et obligé d'aller dans les abris. J'ai des voisins qui sont morts : leur maison avait été détruite, ils les ont sortis des gravas... Et à un moment, la mairie (et probablement les paroisses) s'est occupée de nous éloigner de la ville. J'ai atterri à Charmoy. Je me souviendrai toujours de notre départ en car, du boulevard Henri-Paul, et de notre arrivée sur la place de Charmoy ! J'étais avec mon frère, André, qui avait huit ans, et Marcelle, une de mes soeurs, de seize ans. Avec mes cinq ans, j'étais le plus jeune de tous. Ma sœur a été prise l'une des premières, parce qu'elle était assez grande pour travailler : les paysans prenaient d'abord ceux qui pouvaient donner un coup de main...
On ne gardait pas les frères et sœurs ensemble ?
Non, non ! Mon frère André a été choisi par la suite. Quand les gens ont pris tous les jeunes, moi, je suis resté, tout seul, sur la place. J'étais tellement petit ! J'étais avec ma petite valise... J'ai dit : "et moi, qu'est-ce que je fais ?" Alors, le directeur de l'école est venu et a dit aux paysans qui restaient et qui n'avaient pas pris d'enfant : "Quand même, vous n'allez pas laisser le petit ?" Après, ils se battaient pour m'avoir ! Ils se sont mis à genoux, à ma hauteur, je me souviens, ils étaient cinq ou six. Parmi eux, il y avait Léon, de la Grange-en-Haut, et Jean Dubreuil, de la Tour. Ils tendaient les bras et ils m'appelaient. Et finalement, je suis allé dans les bras de Jean. Il m'a emmené et j'ai passé deux ans ici ; c'était ma famille ! Avec Gaston Dubreuil , on est comme des frères.
Alors, moi, j'en ai un souvenir formidable, de la tour, j'ai même joué dedans ! Je m'occupais des bêtes, des chevaux, j'allais chercher les oeufs, j'adorais ça ! Je faisais des petites bricoles, quoi. Il y avait une petite bonne, qui devait avoir 15 ans, j'étais beaucoup avec elle. On discutait bien. On faisait cuire les pommes de terre pour les cochons dans la chaudière, on s'asseyait sur un petit banc en les surveillant et on parlait. Je n'ai que de bons souvenirs, en fait, les Dubreuil m'aimaient beaucoup, comme leur gosse. Il y en a qui n'ont pas été aussi gâtés que moi... J'avais mon petit réveillon, j'étais vraiment bien.Plus tard, vous avez travaillé comme forgeron dans le Midi ?
J'ai commencé en travaillant dans une entreprise de travaux publics, en faisant l'entretien et un peu de forge ; pas longtemps, un an et demi. Je suis revenu un peu au Creusot, pour travailler à l'usine, mais ça n'allait pas, alors, à 24 ans, je suis redescendu dans le Midi et j'ai monté une petite entreprise de transport avec mon frère. J'ai débuté avec quasiment rien ; j'y suis resté 17 ans. Par la suite, avec ma femme, on a toujours été dans le commerce. Nous avons terminé avec un magasin d'antiquités-brocante.
D'où vos sculptures !
Comme j'avais les outils, je me suis dit : un jour ou l'autre, je vais faire quelque chose... Je les reprends à la forge. Je mets les outils sur une table, et à partir de l'un d'entre eux, il me vient une idée que je suis. J'ai fait ça pour m'amuser, pour passer le temps. C'est sans prétention.Les sculptures de René Aubry, en métal, sont en effet toutes composées d'anciens outils récupérés : pelle d'égoutier, outil de jardin, clé, vis de lit, boule de pétanque, pioche, hache, crochet de balance, fer à souder, cisaille, clé à molettes, lampe de bureau, ciseaux, pioche, pelle de poilu... René Aubry les marie en leur donnant une seconde vie, touchante et/ou humoristique.
Pour visiter les expositions artisanales et artistiques de cet été, ainsi que la Tour du Bost, rendez-vous ce dimanche 19 août, de 15 à 19h (renseignements pratiques).
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Tags : Rene, Aubry, sculpture, exposition, Tour du Bost, Charmoy, Saone-et-Loire, Bourgogne, monument historique, histoire, patrimoine, moyen-age
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