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    Bruno Voituret, tupinier * historique

     

    Bruno Voituret vient de Bissy-la-Mâconnaise. Il a exposé cet été, à la Tour du Bost, de magnifiques poteries réalisées en respectant au plus près leurs caractéristiques historiques : l'occasion d'embrasser du regard plusieurs siècles d'évolution des techniques et des modes.

     

    Bruno Voituret, tupinier * historique

     

    Vous êtes potier professionnel ?
     
    C'est mon premier métier. J'ai appris aux Beaux-Arts, en Belgique : quatre ans en section céramique.  J'ai travaillé pendant plusieurs années en tant que professionnel et depuis quelques années, j'ai repris cette activité. On peut dire qu'actuellement, je suis potier agricole, comme l'étaient les potiers médiévaux, c'est-à-dire l'hiver dans les champs (et en l'occurence, à la vigne), et l'été à la poterie.
     
    Vous vous êtes toujours intéressé à l'histoire ?
     
    Toujours, toujours, toujours. J'ai toujours ramassé les silex, ramassé tout ce que je trouvais... J'ai toujours eu un intérêt pour l'histoire, surtout ancienne. Pour moi, le médiéval, c'est presque du moderne, mais bon... (rire) Au départ, je faisais un peu d'archéologie, disons du paléolithique jusqu'à la période celtique. Puis on m'a demandé d'aller au château de Gevrey-Chambertin pour fêter les 1100 ans de Cluny – là, il fallait évidemment faire quelque chose de médiéval. Donc, je me suis plongé dedans ! Et puis, je trouve les ambiances des fêtes médiévales très sympathiques, plus que les foires normales.

    Bruno Voituret, tupinier * historiqueLes pots présentés à la Tour sont faits sur un tour à pied ?
     
    À l'époque, ce devait être sur un tour bâton, parce que le tour à pied date d'un peu après (peut-être fin XVe ?). Tout ce qui est XIIe, XIIIe, jusqu'à XIVe, c'était tourné au tour bâton. Chez moi, j'utilise le tour à pied, je n'ai pas de tour électrique. Je n'utilise le tour bâton qu'en exposition.
     
    Pour maîtriser la technique du tour bâton, ce ne doit pas être évident ?
     
    C'est un tour archaïque. Il fonctionne, on fait des poteries dessus, mais il faut savoir tourner avant.

     

    Bruno Voituret, tupinier * historique

     

    Comment faites-vous pour retrouver les formes etc ?
     
    Déjà, j'essaye de faire du bourguignon, mais les archéologues bourguignons ne travaillent pas beaucoup sur la céramique, à part Michel Maerten, bien sûr. Donc, je vais dans les musées, je regarde les catalogues, je regarde Internet (ça ne me sert pas beaucoup !). Les publications, aussi. Je fais des modèles de Parthenay, de Sèvres. Dans l'Oise, parce que là, il y a eu un gros boulot archéologique de fait. Dans la région du Doubs, ils ont aussi bien bossé. Pour la Bourgogne, je ne fais que du Sevrey, vers Chalon – il y avait un gros centre archéologique et il y a eu une belle étude, mais c'est la seule...
     
    Les pots noirs que vous présentez sont très particuliers.
     
    C'est l'enfumage. Ce sont des poteries faites comme à l'époque. Cette technique permet déjà, d'un côté, d'étanchéifier la poterie, parce que ce n'était pas cuit à haute température, alors c'était toujours poreux. Le fait d'enfumer, de finir la cuisson avec beaucoup de carbone, beaucoup de fumée, et de tout fermer ensuite, ça permettait de l'étanchéifier un peu. Et cela donnait une couleur un peu métallique qui devait leur plaire. parce que dans la région, enfin, dans le Mâconnais, ils aimaient bien cet enfumage-là : l'oxydation (donc des couleurs rouges, ou blanches, ou couleur "terre normale") était revenue à la mode, au 1er siècle après J.C., à Chalon comme à Lyon, mais à Mâcon on continuait à pratiquer la réduction (l'enfumage).

     

    Bruno Voituret, tupinier * historique

     

    C'est vrai que c'est très joli !
     
    Quand on met du liquide, ça transpire, donc ça reste frais, et le noir s'accentue. J'ai un pot où je fais cuire mon lard etc, et il devient noir brillant, comme du métal, c'est beau !
     
    Bruno Voituret n'a ni site internet, ni boutique. Mais vous le rencontrerez lors de fêtes médiévales, si vous n'avez pas eu la chance de le voir dimanche dernier à la Tour. Il y a quelques jours, il était à Saint-Haon-le-Châtel pour faire une démonstration de tour à bâton : l'axe est posé sur la pointe, et au lieu de tourner avec le pied, on tourne avec un bâton. C'est vraiment le tour archaïque, le premier tour, qui existait depuis l'antiquité jusqu'à l'époque médiévale.
     
    Son prochain rendez-vous : la fête médiévale à Pont-de-Vaux, les 24 et 25 août prochains. Il y fera une démonstration de tour à bâton et d'allumage du feu à la manière médiévale, au briquet à silex.
     
    Notez que M. Voituret réalise aussi des poteries sur commande.
     
    * tupinier = potier. Ce terme vient du mot masculin tupin : (1318, chartre ; origine obscure) vase, pot en terre ou en fer. Dictionnaire de l'ancien français, Larousse


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  • Nous la cherchions, la voici : l'idée qui ferait enfin autour de la Tour du Bost un buzz tel que les financements de la restauration nous tomberaient quasi du ciel (voir ici ) ! Comment cela, il ne faut pas rêver ?

     

    Meutre à la Tour du BostDans sa dernière vidéo (Dusch av Blod) et les photos qui l'accompagnent, Hugo Martel fait ressortir les aspects (très) ténébreux d'un monument que nous envisageons aujourd'hui comme fort paisible, même s'il est chargé d'histoire. Ce lycéen creusotin, en Terminale littéraire, n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il a déjà mis une dizaine de très-courts-métrages en ligne. L'an prochain, il devrait intégrer l'école de Condé, à Lyon, pour étudier la photographie pendant trois ans. Il projette d'aller ensuite dans une école de cinéma, afin de devenir à terme photographe-réalisateur.
     
     Comment avez-vous pensé à la Tour du Bost pour faire une séance de photos ?

     

    Ma mère m'en a parlé, je ne connaissais pas du tout l'endroit. Elle travaille à Pôle Emploi (NDLR : elle connaissait l'existence du monument par le chantier d'insertion encadré par Tremplin Homme et Patrimoine). Elle a demandé la permission de tourner pour moi – ce n'est qu'ensuite, une fois que j'ai regardé des photos du lieu sur Internet et que j'ai trouvé que c'était très intéressant, qu'elle m'a surpris en me disant qu'elle avait déjà réservé une date !

    En quoi l'endroit vous intéressait-il ?
     
    J'aime bien les lieux remplis d'histoire, ça m'inspire. J'avais déjà fait le petit théâtre de la Verrerie et quelques lieux inhabituels, et j'étais à la recherche de lieux atypiques. J'en avais trouvé quelques-uns, mais pour un futur lointain. À chaque gros shooting,  j'ai une histoire à propos de la photo, donc j'essaye de la transmettre en vidéo. Je voulais faire un travail sur Quentin Tarantino, autour du film "Inglorious Basterds". Je cherchais un lieu avec une histoire qui puisse se retranscrire sur la vidéo et sur les photos. L'esthétique de la Tour du Bost permettait de faire quelque chose d'assez atypique. Quand nous sommes venus, en février, il y avait une jolie lumière – il faisait assez beau, au début. En plus, avec les arbres, il y avait des ombres... Nous avons pu exploiter aussi les multiples fenêtres de la tour. La tour au milieu de nulle part, ni ville, ni village, c'était assez attrayant. C'était intéressant de pouvoir filmer en extérieur et entrer directement dans la tour, sans qu'il y ait, par exemple, une ville à traverser ! Sous un certain angle, on ne voit pas la ferme, qui est pourtant juste à côté.

     

    Meutre à la Tour du Bost

    Debora Pengue, le modèle, à l'angle d'une fenêtre de la Tour du Bost,
    telle une damoiselle d'autrefois...

     

    Vous aviez déjà vu la Tour du Bost en photos, mais quelle a été votre impression en la voyant réellement ?
     
    C'était bien mieux qu'en photo ! Nous avons fait un détour monstrueux pour arriver : on la voyait à plusieurs kilomètres, grandir de plus en plus, entre les collines, et puis plus rien pendant un moment - il y a eu un effet de surprise, on l'a vue de nouveau en entrant dans la ferme. C'était une grande, grande tour ! Plus haute que ce à quoi je m'attendais.
     
    Et que vous a-t-elle inspiré, alors ?
     
    Ce que j'ai mis sur la vidéo, véritablement : une course-poursuite, mortelle à la fin, parce que j'imaginais bien qu'elle a pu jouer un rôle assez meurtrier dans l'histoire du Moyen-Âge. C'est un peu plus moderne, je n'ai pas sorti les flèches etc ! Mais j'ai essayé quand même de garder l'esprit de la tour, qui est de "se défendre".
     
    Avant d'y venir, je m'étais renseigné sur la tour, sur son rôle etc, pour, déjà, réfléchir, imaginer la taille des pièces, savoir comment elles étaient agencées et, éviter de mauvaises surprises au tournage. J'en ai eu une, au début : les volets étaient fermés, j'ai cru qu'on ne pourrait pas les ouvrir, et il n'y avait aucune lumière ! Mais, en fait, on pouvait parfaitement les ouvrir... J'avais aussi imaginé aller tout en haut, pour faire un panoramique à la fin, mais je ne pensais pas qu'il y avait tout ce matériel sur place (NDLR: le monument est continuellement en chantier, sauf en été pendant les ouvertures au public). J'ai dû me rabattre sur les étages inférieurs. En tout cas, c'est vraiment une très belle bâtisse. Et le travail de restauration est impressionnant !

    Depuis combien de temps vous intéressez-vous à la photo ?
     
    Ça va faire, réellement, un an et demi. J'ai eu mon premier appareil il y a trois ans : c'étaient des photos comme tout le monde, je prenais mes amis. Un jour, j'ai rencontré une fille qui voulait être modèle photo : on a fait un essai. C'était juste pour rire, au début, mais ça a rendu un peu mieux que ce qu'on avait espéré. Et ça a vraiment fait le déclic quand j'ai eu la permission pour tourner des photos dans une décharge industrielle. Là, j'ai fait ma première vidéo, puis j'ai enchaîné le petit théâtre de la Verrerie – avec des vidéos qui dépassaient le millier de vues. Ce petit succès m'a donné encore plus envie de continuer.
     
    J'ai commencé avec un appareil argentique, parce que j'aimais le développement des photos. Mais quand on fait des grosses séries, on ne peut pas se permettre de faire de l'argentique, ça revient très cher ! Du coup, je suis passé au D3100 Nikon puis, en juillet dernier, au D700, donc à la gamme pro. Et c'est avec le numérique que j'ai vraiment commencé à me lancer.  Avec le salon de coiffure qui réalise les maquillages et tout ça pour les photos, nous avons fini seconds à un concours de photos de coiffure national. Ensuite, je me suis arrêté trois mois : j'avais passé une année à ne faire que ça, il fallait que j'arrête un moment, je commençais à être à bout de souffle au niveau idées.
     
    Depuis quand faites-vous de la vidéo ?
     
    Les vidéos me demandent un gros temps de post-prod, c'est assez compliqué, mais j'essaye de faire une série complète. Au début, c'était surtout pour la promotion des photos. Ma première vidéo durait 30 secondes. La prochaine devrait durer 4 minutes... Avec l'espoir qu'un jour, je puisse faire un court-métrage de 30 à 45 mn. Quelque chose de très artistique - avec les moyens du bord, pour l'instant.
     
     
    Pour en savoir plus : les photos d'Hugo Martel et ses vidéos.

     


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  • Béatrice Hadjopoulos : se fondre dans la nature

     

     

     

    Plongeon dans un monde où l'Homme se retrouve en accord avec la nature, avec des tableaux jouant sur la transparence, le mouvement comme la quiétude... Béatrice Hadjopoulos, qui a exposé cet été dans la Tour du Bost, nous raconte, au milieu de ses œuvres accrochées dans la salle du premier étage (le niveau 3), son cheminement d'artiste - et ses liens avec le monument.
     
     

     

     

     


    Quels sont vos sujets d'inspiration ?

    L'Homme, la nature. Je suis toujours, et depuis le début, à travers différentes phases, dans cette démarche. Mon envie profonde, c'est que l'Homme retrouve ses racines avec la nature, parce qu'il fait partie intégrante de la nature. Nous sommes dans la nature. Et malheureusement, aujourd'hui, on l'oublie, on l'abîme, on la néglige. J'ai ce besoin de transplanter l'homme et de lui faire redécouvrir la nature. Mes tableaux, je les rêve souvent – ils m'arrivent souvent la nuit, quand je dors, puis je me mets au travail, dans le prolongement. C'est comme ça que ça marche, je ne prépare pas de plan, je ne dessine pas, ça part d'un trait.

    Les formats sont toujours les mêmes ?

    Non, je change, et de support, et de format, en fonction des séries. Là, c'est une série que j'avais envie de faire, sur bois (du contre-plaqué), et de même format, parce que j'avais envie d'une certaine harmonie. En ce moment, je suis sur une nouvelle série, en toile de lin, avec des formats différents. Ça change, je ne suis pas fixée... Mais j'aime beaucoup travailler sur le bois parce que c'est dur, c'est très dur ; quand le pinceau accroche le bois, il se heurte à cette dureté, et on n'a pas du tout les mêmes résultats que sur une toile, qui est souple. Donc on ne travaille pas de la même façon. J'ai des périodes bois, et quand j'en ai assez, je reprends la toile, etc.

    J'ai commencé avec des pastels-craies, faites avec des pigments naturels. C'est un bâton, alors on peut commencer à dessiner comme avec une craie, mais très vite ça se casse ; après il y a plein de petits outils, des sortes de tampons en papier, pour faire des estompes, on peut travailler avec des cotons-tiges, avec des tas de choses ! Cette poudre agglomérée est très volatile. On travaille en surimpression, on commence par le fond et ensuite, on remonte vers l'essentiel, le détail... On ne peut pas travailler en contours, enfin, c'est plus difficile. L'avantage du pastel-craie, comme c'est très, très volatile, c'est qu'on le travaille avec les mains. On peut faire des fondus extraordinaires, ça ne se travaille pas du tout avec de l'eau. Une fois le travail terminé, on fixe, avec un vernis en bombe, mais ça reste fragile, il faut le mettre sous verre.

    Travailler vite - et dans la liberté

    Et qu'est-ce qui a fait que vous avez, finalement, préféré basculer vers la technique de l'acrylique et laisser tomber celle du pastel-craie, qui a l'air de vous tenir beaucoup à cœur ?

    Je ne l'ai pas laissé tomber. En fait, j'ai travaillé dix ans le pastel, et j'ai "maîtrisé", et à un moment donné, j'ai eu le besoin d'aller chercher une autre matière. J'ai donc commencé avec l'huile : j'ai acheté mes pigments et mes liants, je faisais mes peintures moi-même. Mais, en commençant mes tableaux à l'huile, je me suis rendue compte que c'était très long à sécher... Quand j'ai un tableau en tête, j'ai besoin de le réaliser. Je ne peux pas attendre : ce n'est pas dans mon tempérament, d'attendre deux ou trois mois que la première couche sèche pour pouvoir attaquer la deuxième – je n'ai pas cette démarche. Avec l'acrylique, qui sèche en dix minutes, je peux retravailler beaucoup plus vite. Je me suis donc adaptée ! J'ai fait des recherches, j'ai travaillé pour arriver à peindre avec de l'acrylique à la manière de l'huile. C'est à dire avec des médiums qui permettent d'avoir des glacis, des transparents, qui donnent cette impression d'huile. On peut faire également des couleurs extraordinaires. Maintenant, de plus en plus de peintres utilisent l'acrylique, parce qu'ils se sont rendus compte qu'on a fait beaucoup de progrès... Peut-être qu'un jour, quand je vais saturer, c'est-à-dire que j'aurai "maîtrisé", je vais passer à autre chose ; mais pour le moment, j'en suis là.

    Cette recherche autour des glacis et de la peinture acrylique, vous l'avez faite toute seule, de votre côté, ou dans un atelier ?

    J'ai toujours évité, depuis le début, de faire des ateliers, des écoles, parce que j'avais vraiment envie d'y arriver librement. Je suis quelqu'un qui aime bien apprendre de A à Z, par moi-même. Alors, je me suis documentée, j'ai parlé avec d'autres peintres, mais je n'avais pas envie de me retrouver dans un cours où on me dit : "il ne faut pas faire comme ça, il faut faire comme ça". Je voulais vraiment avoir une totale liberté. J'ai certainement mis beaucoup plus de temps que quelqu'un qui va prendre des cours, mais ce n'est pas grave !

    Vous avez dû remarquer que j'incorpore souvent des collages dans mes toiles. J'ai utilisé à une époque des bandes plâtrées, du papier de soie... J'aime bien aussi mélanger des matières, car c'est très facile, justement, de les inclure, avec les médiums...

    Vous exposez régulièrement ?

    Oui. J'essaye de faire deux ou trois expositions par an, dans la région. Pendant une dizaine d'années, au début, c'était moi qui démarchais pour trouver des lieux, et maintenant, comme je suis un peu reconnue, ce sont les gens qui me proposent des endroits. Cela se passe tout naturellement.

    La Tour : une expérience dure mais enrichissante

    Vous connaissiez la tour, je crois ?

    J'y ai travaillé quelques années, deux ans je crois. Avant j'avais travaillé à Bibracte, dans la restauration, et puis ensuite j'ai été embauchée par Tremplin Homme et Patrimoine comme assistante pédagogique. J'ai donc pu suivre toute la restauration du premier étage.

    C'est celui où vous exposez cette année.

    Oui, et c'est émouvant, parce que je retrouve même les petits endroits où j'ai mis la main à la pâte ! C'est très bon, c'est très agréable. Les moments où Gérôme taillait la pierre, les moments où on a monté la cheminée, c'était extraordinaire : on se demandait comment ces trois cailloux pourraient tenir ensemble... Des moments très durs aussi, parce qu'il faisait très froid l'hiver, et très durs aussi parce que c'est un boulot dur pour une femme. Je ne me contentais pas de regarder les autres travailler, j'ai soulevé des cailloux, j'ai fait de la maçonnerie, j'ai appris – ce qui m'a permis après de faire des escaliers chez moi, c'est toujours utile ! C'était une très belle expérience, mais dure, très fatigante.

    Où avez-vous laissé votre "pâte", par exemple ?

    C'est des petits bouts d'enduit. J'adorais rejointoyer entre les pierres, j'ai beaucoup travaillé sur les voûtes dans la cave, sur des échafaudages, pliée en quatre... J'ai même participé au travail sur les solives : on était dehors dans la cour et il fallait les planer, avec un couteau à deux manches. C'est un coup de main à prendre. J'ai appris à faire du mortier à la chaux, j'ai appris à poser les tommettes, tout ça c'était vraiment très enrichissant...

    Café associatif à Luzy

    Vous avez un métier, à côté des peintures ?

    Actuellement, je suis animatrice d'un café associatif, "Le Morwan". Nous avons monté une association, "L'Ouverture", à Luzy, dans la Nièvre, dans l'idée de réunir un peu les gens parce que trop souvent, les gens sont seuls, font des choses en solitaires. L'idée est de créer un lieu où on puisse réunir les gens pour jouer, ne serait-ce que pour faire un jeu de société, ou pour échanger des services, ou pour faire du covoiturage, organiser des ateliers, des soirées... On était une dizaine à avoir cette envie. On a eu du mal à monter cette association, c'était complexe. Pour le nom du café, nous avons enlevé le "v" de Morvan pour le remplacer par un "w", pour moderniser un peu le Morvan (rires) !

    Pour lui donner un côté gaélique ?

    Oui, en plus - après tout il y a eu des Celtes, ici ! Donc, retrouver les traditions tout en étant un peu modernes...

    Vous êtes de Luzy ?

    Pas du tout, je suis née à Paris et j'y ai vécu jusqu'au jour j'ai pris mes trois enfants sous les bras, j'ai fait mes valises pour Larochemillay puis Luzy. J'avais envie de vivre dans la nature, elle me manquait terriblement. Et je ne le regrette pas une seconde ! J'ai d'abord travaillé dans la restauration, que j'ai quittée pour chercher un autre travail, et je suis tombée sur ce chantier d'insertion à Bibracte. Et de fil en aiguille, au bout de deux, cela m'a amenée ici. J'ai changé plusieurs fois de métier, donc ce n'était pas gênant ; je suis assez bohème de ce côté-là, et chaque métier m'a appris quelque chose...

    Avez-vous des souvenirs de la première fois que vous avez vu la tour ?

    C'était terrible. Terrible ! Ça sentait très mauvais, il y avait des fientes de pigeons, on sentait que c'était à l'abandon. Quand j'ai vu l'ampleur des travaux - c'était au début et il n'y avait rien de tout ça (elle montre la pièce autour d'elle) - je me suis dit : "Mon dieu, est-ce que ça va être réalisable ?" À l'époque, on voyait depuis le bas, au-dessus des voûtes, jusqu'au sommet, il n'y avait rien. Le plus extraordinaire, c'était de voir des personnes jeunes et moins jeunes, qui ne connaissaient pas du tout les travaux du bâtiment, faire des choses pareilles ! C'est quelque chose d'étonnant ! Il y avait la foi, il y avait l'enthousiasme, il y avait l'envie de participer à un projet qui laisserait des traces, parce que chacun a laissé ses traces – c'était quelque chose de très fort. Et puis, avec cette équipe... Ce qui m'a le plus émue, c'était de voir des gens qui avaient perdu le rythme de la vie, qui étaient au chômage, en difficulté, se remettre, se passionner pour quelque chose - c'était vraiment bien. J'ai eu une très belle expérience.

    Vous pouvez retrouver Béatrice Hadjopoulos sur son site internet, et les expositions estivales de la Tour du Bost en photos et en articles.


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  • René Aubry : la vie rêvée des vieux outils

     

     

     

     

     

    René Aubry, qui expose en compagnie de son épouse (dans deux registres complètement différents, l'un le métal, l'autre le tissu), nous vient de loin : Bormes-les-Mimosas, dans le Var ! Pourtant, son histoire personnelle est profondément liée au site de la Tour du Bost. Au milieu de ses œuvres, son diplôme de forgeron, obtenu au Creusot, attire l’œil - et la curiosité.

     

     

    Vous êtes Creusotin ?
     
    Oui. Je suis né rue Albert 1er, juste au-dessus du Pilon. La maison n'existe plus aujourd'hui. On a ensuite déménagé à la Mouillelongue, où j'ai passé toute ma jeunesse, jusqu'à mes 19 ans. Tout était Schneider, à l'époque. J'ai été à l'école Schneider... J'ai été l'un des derniers forgerons diplômés au Creusot. J'ai joué à la JO, au foot, de Minime jusqu'à Junior, jusqu'à ce que je parte faire mon service militaire, dans la Marine. À l'époque, c'était la guerre d'Algérie, et en étant dans la Marine, on avait une chance de rester en France... C'est par le football que je suis resté ensuite dans le Midi : pendant mon service, je jouais au foot, au Lavandou. Quand j'ai été démobilisé, le président du club du Lavandou m'a fait rester. Mon frère était là aussi. On a été champion la première année...

     

    René Aubry : la vie rêvée des vieux outils

     

    Et la première fois que vous avez vu la Tour du Bost, c'était quand ?
     
    J'avais cinq ans. C'était en 1943, en pleine guerre. Nous habitions la Mouillelongue et les Alliés bombardaient pratiquement toutes les nuits, il y avait souvent des bombes qui tombaient à côté des cibles... Les DCA étaient juste au-dessus de chez nous, là où il y a aujourd'hui la mairie de Torcy : c'était un bois d'acacias. À 2 ou 3 heures du matin, on était réveillé par la sirène et obligé d'aller dans les abris. J'ai des voisins qui sont morts : leur maison avait été détruite, ils les ont sortis des gravas... Et à un moment, la mairie (et probablement les paroisses) s'est occupée de nous éloigner de la ville. J'ai atterri à Charmoy. Je me souviendrai toujours de notre départ en car, du boulevard Henri-Paul, et de notre arrivée sur la place de Charmoy ! J'étais avec mon frère, André, qui avait huit ans, et Marcelle, une de mes soeurs, de seize ans. Avec mes cinq ans, j'étais le plus jeune de tous. Ma sœur a été prise l'une des premières, parce qu'elle était assez grande pour travailler : les paysans prenaient d'abord ceux qui pouvaient donner un coup de main...
     
    On ne gardait pas les frères et sœurs ensemble ?
     
    Non, non ! Mon frère André a été choisi par la suite. Quand les gens ont pris tous les jeunes, moi, je suis resté, tout seul, sur la place. J'étais tellement petit ! J'étais avec ma petite valise... J'ai dit : "et moi, qu'est-ce que je fais ?" Alors, le directeur de l'école est venu et a dit aux paysans qui restaient et qui n'avaient pas pris d'enfant : "Quand même, vous n'allez pas laisser le petit ?" Après, ils se battaient pour m'avoir ! Ils se sont mis à genoux, à ma hauteur, je me souviens, ils étaient cinq ou six. Parmi eux, il y avait Léon, de la Grange-en-Haut, et Jean Dubreuil, de la Tour. Ils tendaient les bras et ils m'appelaient. Et finalement, je suis allé dans les bras de Jean. Il m'a emmené et j'ai passé deux ans ici ; c'était ma famille ! Avec Gaston Dubreuil , on est comme des frères.
     
    Alors, moi, j'en ai un souvenir formidable, de la tour, j'ai même joué dedans ! Je m'occupais des bêtes, des chevaux, j'allais chercher les oeufs, j'adorais ça ! Je faisais des petites bricoles, quoi. Il y avait une petite bonne, qui devait avoir 15 ans, j'étais beaucoup avec elle. On discutait bien. On faisait cuire les pommes de terre pour les cochons dans la chaudière, on s'asseyait sur un petit banc en les surveillant et on parlait. Je n'ai que de bons souvenirs, en fait, les Dubreuil m'aimaient beaucoup, comme leur gosse. Il y en a qui n'ont pas été aussi gâtés que moi... J'avais mon petit réveillon, j'étais vraiment bien.

    René Aubry : la vie rêvée des vieux outils

     

     

    Plus tard, vous avez travaillé comme forgeron dans le Midi ?
     
    J'ai commencé en travaillant dans une entreprise de travaux publics, en faisant l'entretien et un peu de forge ; pas longtemps, un an et demi. Je suis revenu un peu au Creusot, pour travailler à l'usine, mais ça n'allait pas, alors, à 24 ans, je suis redescendu dans le Midi et j'ai monté une petite entreprise de transport avec mon frère. J'ai débuté avec quasiment rien ; j'y suis resté 17 ans. Par la suite, avec ma femme, on a toujours été dans le commerce. Nous avons terminé avec un magasin d'antiquités-brocante.
     
     
     
     
    D'où vos sculptures !
     
    Comme j'avais les outils, je me suis dit : un jour ou l'autre, je vais faire quelque chose... Je les reprends à la forge. Je mets les outils sur une table, et à partir de l'un d'entre eux, il me vient une idée que je suis. J'ai fait ça pour m'amuser, pour passer le temps. C'est sans prétention.

     

    René Aubry : la vie rêvée des vieux outils

     

    Les sculptures de René Aubry, en métal, sont en effet toutes composées d'anciens outils récupérés : pelle d'égoutier, outil de jardin, clé, vis de lit, boule de pétanque, pioche, hache, crochet de balance, fer à souder, cisaille, clé à molettes, lampe de bureau, ciseaux, pioche, pelle de poilu... René Aubry les marie en leur donnant une seconde vie, touchante et/ou humoristique.

    Pour visiter les expositions artisanales et artistiques de cet été, ainsi que la Tour du Bost, rendez-vous ce dimanche 19 août, de 15 à 19h (renseignements pratiques).


    2012 : Plus que trois dates pour visiter la Tour du Bost

     


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