• Corinne Creuzet fut l'une des chevilles ouvrières de la mise en place de la poutre du niveau IV : elle y a travaillé avec enthousiasme, sans un seul jour d'arrêt, faisant quotidiennement la route en voiture depuis Chalon-sur-Saône. Elle a malheureusement dû quitter le chantier d'insertion au moment où le plancher prenait enfin forme, son contrat prenant fin. Près d'un an plus tard, en décembre 2011, elle retrouvait certains "anciens" du chantier et découvrait ce à quoi tous ses efforts avaient menés. Un moment de grande émotion.

     

    Corinne : "J'aurais voulu continuer"...

     

    Vous avez, je crois, participé à toute la préparation de la pose de la poutre ?
     
    J'ai fait partie du chantier de mai à novembre 2010, quand nous avons posé la poutre - et une fois qu'elle a été installée, mon contrat a pris fin. Je n'ai pas eu le temps de voir poser les solives, je n'ai pas eu le temps de voir faire les entailles, de poser le plancher etc.

    Corinne : "J'aurais voulu continuer"...

     

    Connaissiez-vous la Tour du Bost avant d'y travailler ?
     
    J'avais entendu parler d'elle quand j'étais plus jeune : mes parents sont originaires du Creusot. Mais je ne me rappelle pas y être venue. Et voilà que j'ai découvert, pendant mon contrat ici, que son propriétaire est un petit-cousin de mon père ! Comme le monde est petit !

     

     

     

    Qu'avez-vous pensé de votre passage à la tour ?
     
    Il y avait une bonne équipe. J'aurais aimé continuer, mais ce n'était pas possible parce que j'avais fait un contrat de dix-huit mois chez Emmaüs avant de venir, et qu'il ne me restait que six mois de contrat possible. Pour refaire le même genre de contrat, il faut attendre trois ans...
     
    Quand on est arrivé, il y avait déjà le premier étage qui était fini. C'était joli. On nous a dit qu'il y avait le deuxième étage à faire. Quand on y est monté, waoh ! On a pris peur quand même ! Voir l'état dans lequel il est maintenant, ça fait chaud au cœur... Savoir qu'on y a participé... Et puis on y a mis de l'animation aussi ! On s'entendait bien, il y avait beaucoup de solidarité. On s'entraidait tous. À mon arrivée, j'étais la seule femme ; d'autres sont venues ensuite.

    Cela vous a posé problème ?
     
    Non. D'autant que j'avais l'habitude, je venais de travailler dix-huit mois à Emmaüs - j'allais notamment chercher les meubles chez les particuliers. Quand il fallait descendre des canapés ou des bahuts, qui ne pouvaient pas tenir dans les ascenseurs, du 3e ou du 6e étage... C'était chaud aussi !

     

    Corinne : "J'aurais voulu continuer"...

     

    Avez-vous gardé des contacts avec d'autres "anciens" de la tour ?
     
    Il y en a deux ou trois qui m'appellent, j'en ai revus quelques-uns... Pas beaucoup. C'est un peu dommage, parce qu'il s'était créé des affinités avec certains... Mais bon, c'est la vie !
     
    Avez-vous un projet professionnel particulier ?
     
    Jusqu'à présent, j'ai fait plusieurs petits boulots : de la livraison, puis j'ai été dans les fermes pour récupérer des échantillons de lait pour les faire analyser. En ce moment (en décembre), je suis une formation d'agent machiniste en propreté. Auparavant, j'ai fait une formation de poseur de panneaux photo-voltaïques. Idéalement, j'aimerais faire chauffeur-livreur.
     
    Un petit rafraîchissement de mémoire ? Commencez donc par :
    Une histoire de poutre (1) : Casse-tête chinois
    Et quelques photos de la pose de la poutre du niveau 4...

     


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  • Secrétaire du Comité départemental de la recherche archéologique, siégeant au Comité régional de la recherche archéologique à Dijon, M. Lagrost s'est tourné à partir de 1998 vers l'histoire médiévale de la région. Fruit de ses recherches, un livre passionnant est sorti en 2011, remettant en cause beaucoup de vérités établies : "Du château ducal de Montcenis à la "seigneurie" du Creusot (XIIe – XVIIIe siècles)" - voir notre article Château de Montcenis : une histoire vivifiée .
     
    Arrêtons-nous un moment sur le parcours atypique de cet autodidacte passionné.

    Louis Lagrost : du Néolithique au Moyen-Age

    À l'origine, c'était bien l'archéologie qui vous intéressait ?
     
    J'étais surtout archéologue, plutôt axé, sur le Néolithique. Cela a commencé en 1953 environ, quand je me suis mis à visiter toutes les grottes de la région avec des copains. Maurice Bonnefoy s'occupait de la grotte d'Azé : c'est lui qui m'a donné le virus à la fois de la spéléologie et de l'archéologie. J'ai trouvé là le goût de la fouille - et le chantier m'a permis de rencontrer des archéologues professionnels. En 1961, pour ma première publication, je suis tombé par hasard sur les menhirs de Couches, les plus beaux de Bourgogne ! Puis les choses se sont enchaînées naturellement, j'ai participé à des fouilles avec des spécialistes et je suis toujours en relation avec eux... J'ai appris à fouiller avec Jean Combier. Étant autodidacte, j'ai toujours cherché à avoir une caution scientifique, il faut être très prudent ! Je me suis toujours fait encadrer.
     
    Pour le menhir de St-Didier sur Arroux, nous sommes restés quatre ans à fouiller, à la petite cuiller, vraiment dans le détail, avec les conclusions qui s'imposent etc. Cela nous a permis de découvrir que les menhirs de Bourgogne étaient gravés – et en plus, de les dater, ce qui n'avait jamais été fait.
     
    Comment en êtes-vous venu à l'histoire médiévale ?
     
    Il y a eu de nombreuses restrictions concernant les fouilles archéologiques, qui m'ont conduit à réorienter mes recherches vers l'histoire locale. Le "virage" s'est fait en 1998 : le comité départemental (et régional) de la recherche archéologique a organisé une exposition faisant le bilan de trente ans d'archéologie dans chaque département bourguignon. Nous avons d'ailleurs édité un ouvrage à cette occasion. Le matériel de cette exposition, après deux ans d'itinérance, était encore en très bon état : j'ai pensé l'utiliser dans une exposition ramassée sur Le Breuil et sa région, en ajoutant le plus possible d'éléments d'histoire locale. J'ai demandé à une collègue, Monique Billard, de regarder à Mâcon dans les archives si par miracle elle ne trouvait pas quelque chose, une charte, quoi que ce soit, tout en lui disant : "Ne te fais pas de souci si tu ne trouves rien : tout a été dit sur le Creusot, on n'en parle plus !"
     
    Et elle vous a fait parvenir plusieurs documents qui mettaient en cause ce qui avait été dit jusqu'alors...
     
    En fait, parmi tous ceux qui avaient parlé du Creusot et de ses environs, aucun n'avait dû mettre les pieds aux Archives !
     
    C'est alors que je me suis mis à la paléographie (la lecture des textes anciens) avec Robert Chevrot. Heureusement, avec les moyens qu'on a aujourd'hui, comme les photos numériques, on peut travailler sur son ordinateur et déchiffrer en prenant son temps !

    Louis Lagrost : du Néolithique au Moyen-Age

     

     

    Finalement, vous avez aussi utilisé pour écrire l'histoire du château de Montcenis les techniques que vous utilisiez pour vos recherches archéologiques...
     
    C'est la même démarche. C'est une autre forme de lecture du document : quand vous fouillez, il faut déchiffrer ce qu'on retrouve dans le sol... On utilise également les photos aériennes. Avant d'avancer quoi que ce soit, je vérifie, je vais au texte, je regarde sur le terrain si ça concorde etc.

     

     

    Quelle place a la Tour du Bost dans votre parcours de scientifique ?
     
    Je me suis intéressé à la Tour du Bost depuis très jeune, vers mes 17–18 ans. À l'époque, il n'y avait que les quatre murs et on prenait tout sur la tête... Je m'y suis intéressé aussi plusieurs fois parce que la voie romaine passe juste à côté. Les lieux d'habitat, de l'époque du néolithique jusqu'à aujourd'hui, pratiquement, restent un peu les mêmes, parce que ce sont des endroits favorables, au niveau climatique et autres. En prospectant, je passais vers la tour ; j'ai d'ailleurs trouvé quelques silex dans ce secteur. Je tournais autour... mais avec des intérêts d'archéologue plus que de médiéviste. Je suivais bien sûr ce qui se passait, par le biais de la Physiophile et de Robert Chevrot, mais je ne suis pas retourné sur le site dans les premières années de sa restauration. J'en avais des échos mensuels... Maintenant, je suis pris au jeu, j'y suis allé plusieurs fois. Et puis, je suis aux aguets de la moindre mention de la Tour du Bost dans les archives, pour l'enregistrer aussitôt. Malheureusement, il n'y a rien, c'en est même bizarre...

     


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  • Nicolas : la maîtrise du vertige

     

     

     

    Nicolas Varriot était présent à l'inauguration de la nouvelle salle de la Tour du Bost, en décembre dernier. Il fut aux avant-postes au moment de la pose de la poutre, massive, qui en soutient désormais le plafond.

     

     


     
    Combien de temps avez-vous travaillé sur le chantier de la Tour du Bost avec Tremplin ?

    J'ai fait deux contrats de six mois, soit un an en tout. Je suis parti juste après la pose de la poutre du niveau 4, avant la pose du plancher. C'était moi qui était à l'extérieur de la tour pour y faire entrer la poutre, avec le charpentier, en haut de l'échafaudage.

    Nicolas : la maîtrise du vertige

    Nicolas Varriot : en haut de l'échafaudage, sur la droite,
    attendant de réceptionner la poutre, qu'il va falloir guider par la fenêtre...

    C'était vertigineux !
     
    Plus je suis haut, plus je suis heureux ! J'ai suivi la poutre, du moment où on l'a déchargée de la remorque jusqu'à la fin, une fois qu'elle a été mise en place. Pour la retenir, il y avait des moments où c'était... (il souffle, comme sous l'effet d'une brûlure) . Ça passait à pas grand chose, mais je n'ai jamais eu peur que ça ne marche pas.

    Nicolas : la maîtrise du vertige

    Avant la pose de la poutre, sur quoi aviez-vous travaillé ?
     
    Auparavant, j'avais fait beaucoup d'enduits : la montée d'escalier, le lissage de la cheminée du niveau 3, et dans le bas, au sous-sol.
     
    Connaissiez-vous la Tour du Bost avant ce chantier ?
     
    Je suis du Creusot, pourtant je ne connaissais pas la tour ! Je ne l'ai vue que lors de mon premier jour ici. Par contre, depuis la fin de mon contrat, je reviens de temps en temps, pour dire bonjour...
     
    Pourquoi avez-vous voulu participer à ce chantier ?
     
    Le secteur du bâtiment m'intéressait : j'ai fait une formation en maçonnerie. La technique utilisée à la tour est différente de ce que je connaissais : au début, cela m'a semblé difficile, il faut un coup de main pour les enduits... Maintenant, tout ça me paraît simple ! Mon projet professionnel, c'était de rester dans le bâtiment. En ce moment, j'ai trouvé du travail en "interim". C'est autre chose que le bâtiment, mais ça me plaît. J'ai des pièces à découper, à la chaîne. Je travaille toute la journée.
       
    Qu'est-ce que votre passage à la tour vous a apporté ?
     
    Ça m'a appris beaucoup de choses, au niveau du travail, des finitions... L'ambiance du chantier était bonne, je suis bien content d'y avoir participé. C'était une bonne expérience.

     
    Maintenant que vous en savez plus sur Nicolas, vous souhaitez vous remémorer la pose de la fameuse poutre (ou la fameuse pose de la poutre) ?
    Une histoire de poutre (1) : Casse-tête chinois
    La poutre du niveau 4

    Pour avoir plus d'informations : Tremplin Homme et Patrimoine .


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  • Iranienne d'origine, arrivée en France à 19 ans, Mme Michelet a créé l'association d'insertion Tremplin Homme et Patrimoine avec M. Jondot. Elle y a trouvé un travail qui correspondait totalement à ses aspirations. Retour sur un parcours professionnel délibérément orienté vers les personnes en difficulté. 

    Homa Michelet : Un parcours tourné vers les autres

    Qu'est-ce qui vous a amenée à fonder Tremplin ? Aviez-vous déjà une histoire avec des chantiers d'insertion ?
     
    Je suis psycho-clinicienne à la base. Normalement, je suis censée travailler avec les pathologies, mais je n'avais pas envie de travailler avec les gens malades. Ce que je voulais, c'était mettre mes compétences au service de gens qui sont en difficulté mais qui n'ont pas la démarche d'aller voir un psychologue. D'abord, parce que l'étiquette est très négative, et deuxièmement parce qu'aller voir un psy a un coût. Or ces gens n'ont ni la démarche ni l'argent pour la faire.
     
    J'ai été conseillère d'orientation puis j'ai travaillé avec Michel Jondot (cofondateur de Tremplin) au GRETA, pour la formation adulte. J'intervenais pour tout ce qui concernait la structure psychologique des individus et on s'est rendu compte que les résultats étaient nettement meilleurs que si on supprimait cette partie du travail. Moi, j'en étais convaincue, mais il me fallait faire mes preuves... Ensuite, Michel, qui travaillait pour SMBS, m'a proposé de voir si je pouvais intervenir sur les chantiers et travailler avec leurs animateurs. À un moment, il m'a demandé si je ne voulais pas "faire de la psychologie de la pierre". Effectivement, les bâtiments sur lesquels on travaille ont une histoire. Ils ne sont pas arrivés à un endroit par hasard. À travers cette histoire, je pouvais faire le lien avec la notion d'histoire de vie d'un individu. J'ai approfondi la question en suivant pas mal les architectes des bâtiments de France pour voir comment ils posaient leur diagnostic sur un bâtiment. Il s'agissait pour moi de construire le projet pédagogique et il y avait un vrai parallèle possible entre l'homme et le patrimoine. On a fait une première expérience qui s'est révélée très, très positive et on est parti comme ça.
     
    Vous avez trouvé là un travail qui correspond vraiment à vos aspirations ?
     
    Complètement. En plus, je suis quelqu'un de terrain, j'aime le travail du bâtiment. Cela m'a permis de répondre pleinement à mes propres valeurs – on ne s'occupe pas des gens juste parce qu'on a envie de panser des blessures. Mettre au service des autres les connaissances que j'avais, cela m'a permis de répondre à mes propres valeurs et aspirations.
     


    Avant tout : se respecter
     


    Y a-t-il des choses que vous pensez indispensables pour que les personnes que vous accompagnez "y arrivent" ?
     
    Je crois que ce qui est le plus important, c'est qu'ils se respectent. Qu'ils prennent soin d'eux. Qu'ils prennent conscience de leur potentiel, de leurs capacités. En résumé, ce qui est le plus important pour moi dans ma vie, que ce soit ma vie personnelle ou professionnelle, c'est la dignité de l'être humain.
     
    Comment avez-vous "rencontré" la Tour du Bost ?
     
    Lorsque l'idée "d'utiliser" un chantier d'insertion y est apparue. Plusieurs organismes ont alors été invités à visiter le monument pour proposer leurs services. Je me rappelle, quand je suis arrivée au pied de la tour, je me suis dit : "Décidément, on n'est qu'un grain de sable !" Ce monument était impressionnant. En plus, c'était terrible, une ruine totale. Cela me faisait penser aux gens qui vieillissent mal, à une histoire qui part en poussières... En Iran, nous sommes habitués à ces sites extraordinaires qui partent... Je ne fonctionne pas du tout au défi, mais je me suis dit : "Ouf, c'est gros !" J'étais vraiment impressionnée par ce bâtiment, qui aujourd'hui a complètement changé. Même la visualisation est différente. Aujourd'hui, finalement, c'est humain, on y est bien. On a envie de la protéger, cette tour, alors que c'était elle qui était censée nous protéger – on a envie de la mettre à l'abri et de lui donner une nouvelle vie. C'est exactement l'objectif qu'on a par rapport aux personnes. C'est un parallèle vraiment frappant.
     
    Pour en savoir plus sur le travail de terrain de Mme Michelet :
    Homa Michelet : développer un projet de vie
    Sur Tremplin Homme et Patrimoine, outre l'accès direct au site de l'association, qu'on trouve aussi dans notre rubrique "Liens", des articles et une page :
    Tremplin : pour mieux rebondir
    Tremplin : la position d'équilibre
    Tremplin Homme et Patrimoine


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